Les chercheurs Natalia Ivalú Cacho et Patrick McIntyre étudient une plante endémique de la Caraïbe typique des milieux secs : Euphorbia tithymaloides.
Nous les avons rencontrés à la Pointe des Châteaux où ils nous ont raconté le voyage peu commun de cette plante.
Inflorescence d"Euphorbia tithymaloides et foufou les pollinisant (colibri huppé, Orthorhyncus cristatus) - (c) Jérémy Delolme
Cette plante de la famille des Euphorbiaceae a une évolution, une biologie et une écologie singulière. Elle serait originaire du Méxique. De là elle aurait progressivement colonisée la Caraïbe par deux chemins différents. Une population aurait progressé vers le nord-est, s’établissant, à Cuba et dans le reste des Grandes Antilles, jusqu’à atteindre les îles vierges américaines et notamment l’île de Sainte-Croix. D’autre part, des individus auraient progressivement colonisés le sud de l’Amérique Centrale (Honduras, Costa-Rica…), puis le nord de l’Amérique du Sud (Colombie et Vénézuela), pour atteindre Trinité-et-Tobago avant de remonter l’arc des Petites-Antilles et également arrivée à l’île de Sainte-Croix. On nomme ce genre de phénomène des « ring species » (ou « espèce en cercle » en français). Ce sont des cas plutôt rares et à ce jour E.tithymaloides est la seule plante connue de ce type dans la Caraïbe.
La distance et le temps nécéssaire pour parcourir ce chemin ont rendu ces deux populations distinctes d’un point de vue morphologique et génétique. Elles sont également différentes de la population mère d’Amérique centrale.
S’agit-il toujours de la même espèce ? Peut-être avons nous à faire à trois (ou plus) sous-espèces différentes? Peut-être sont-elles en train de devenir des espèces à part entière* ?
C’est ce qu’on appelle le phénomène de spéciation. C’est la spéciation qui crée de nouvelles espèces à partir d’une espèce parente. Mais il est rare de pouvoir l’observer « en temps réel », il s’agit le plus souvent de processus ancien dont on ne peut que observer les résultats, c’est à dire les espèces actuelles.
Les recherches de ces deux scientifiques ont en partie pour objectifs de répondre à ces questions. Et pour rendre leur travail encore plus complexe, il existe des cultivars ornementaux de cette plante dont les feuilles et les fleurs ont encore des formes différentes. Elles pourraient toutefois également s’hybrider avec les espèces sauvages et donc échanger des gènes avec ces dernières. Natalia et Patrick travaillent également sur la pollinisation de cette plante. Dans notre cas, cette thématique est intéressante pour trois raisons principales :
Les fleurs de cette euphorbe sont morphologiquement très différentes des fleurs que l’on peut retrouver chez d’autres espèces de la famille. Elles ont acquis une forme bilatérale tandis que les autres euphorbes ont le plus souvent une forme radiale. Cela implique nécessairement des adaptations au niveau de la pollinisation.
De plus, ces changements morphologiques impliqueraient une modification de la production de nectar (tant en quantité qu’en qualité). Cela impliquerait donc également des adaptations au niveau de la pollinisation et des pollinisateurs.
Les principaux pollinisateurs d’E.tithymaloides sont des colibris. Les espèces diffèrent entre les îles. En Guadeloupe le pollinisateur principal est le colibri huppé ou foufou (Orthorhyncus cristatus).
Comments